Usage du français: des dérives inquiétantes
L’Université Laval, la plus vieille université francophone en Amérique du Nord, dérogerait à sa Politique sur l’usage du français. C’est du moins ce que prétend, preuves à l’appui, Dominique Beaulieu, doctorant en génie électrique, qui vient de créer la branche lavalloise du Mouvement Québec français.
Adoptée par le conseil d'administration de l'Université Laval en 2004, la Politique s'inscrit dans le prolongement des travaux réalisés par la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec. Elle est partie prenante d'une volonté de valorisation et de promotion de la langue française comme moyen de production, de diffusion et de rayonnement de la culture scientifique, artistique, littéraire et professionnelle.
Dans ce document tenant sur moins de deux pages, on précise que «le français est la langue d'usage à l'Université Laval. Il est la langue normale d'enseignement et d'apprentissage, la langue de communication et la langue de travail».
On y précise, entre autres, que les enseignants et les chercheurs ont la responsabilité de s'exprimer dans un français de qualité. Ceux-ci doivent également privilégier, «à qualité scientifique et pédagogiques égales, l'utilisation de manuels, de recueils de texte et d'outils didactiques en français», tout comme ils doivent utiliser, «à qualité scientifique et à portées égales, les canaux francophones pour la diffusion des résultats de leurs travaux scientifiques». Idem pour les étudiants, qui, de surcroît, doivent rédiger leur essai, leur mémoire ou leur thèse en français «à moins d'une autorisation spéciale de leur direction de programme».
À titre d’exemples de dérives notées par M. Beaulieu, il cite des sites Internet internes, tel celui d'ArcticNet – un réseau de scientifiques et de gestionnaires étudiant les impacts des changements climatiques dans l'Arctique canadien côtier – dont certaines sections ne sont disponibles qu'en anglais, certains travaux, dirigés par les professeurs lavallois Louis Fortier et Steeve Côté, par exemple, ne présentent que des résumés en anglais, la publication d'articles rédigés en anglais dans des revues acceptant autant les propositions anglophones que francophones. C'est le cas notamment de Richard Marcoux et Mamadou Kani Konaté, de la Faculté des sciences sociales, qui ont publié dans la langue de Shakespeare un article portant sur la francophonie en Afrique dans la revue bilingue African Population Studies, acceptant aussi des textes en français et une courte présentation de l'Université Laval, accompagnée d'une photo du recteur Denis Brière, écrite uniquement en anglais sur le site de Rio+20.
Des dérives inquiétantes qui dénotent un laxisme inacceptable de la part de la direction de l’Université qui, en raison de son prestige comme première université francophone créée en 1852, devrait démontrer un comportement exemplaire dans la défense et la promotion du français, particulièrement à cause de sa position géographique, à savoir la plus vieille ville francophone en Amérique du Nord.
quebechebdo 20 avril 2013
Henri Marineau

