Une curiosité qui frise la délectation morbide
«Là, ça ne me tente plus de parler aux journalistes», supplie Lorraine, vous comprenez, j’ai encore le coeur qui fait boum, boum.» «On a mal ! On a mal !», martèle Céline, irritée par la présence «de la planète» dans sa cour arrière. «Ça ne doit pas être un cirque», lance la Méganticoise, tout en s’en prenant aux journalistes qui lui mettent «un micro sous la gueule». «J’ai entendu les gens pris dans le centre-ville en flammes crier. J’ai aujourd’hui besoin que les gens respectent ma vie privée.»
Des dizaines de visiteurs cherchent à immortaliser l’ampleur des dégâts, rivalisant d’adresse pour prendre des clichés de la scène derrière la clôture opaque érigée au lendemain de la catastrophe. Un agent de sécurité peine à suffire à la curiosité des curieux massés sur le parvis de l’église Sainte-Agnès, les exhortant à ranger dans leur poche ou leur sac leur appareil-photo, la prise de photos y étant proscrite.
On ne peut remettre en doute l’importance du courant de sympathie démontré par les Québécois envers les Méganticois depuis cette terrible catastrophe. Toutefois, à partir du moment où certains sinistrés se sentent envahis dans leur bulle, voire même violés dans leur deuil, nous devons mettre fin à une curiosité qui frise la délectation morbide et qui outrepasse démesurément les limites du respect fondamental envers des personnes affligées jusqu’au plus profond de leur être.
quebechebdo 15 juillet 2013
Le Devoir 29 juillet 2013
Henri Marineau

