Un virage corporatiste dangereux
Décrit par deux professeurs de philosophie de l’Université Laval comme « un mirage du financement privé », le rapport final d’un comité chargé de faire évoluer le mode de gouvernance de l’institution présenté au conseil d’administration de l’Université au début 2011 suscite des réactions négatives, particulièrement au chapitre de la gestion collégiale qui a toujours caractérisé la participation de tous les intervenants à l’évolution et à la gestion de l’institution québécoise.
En effet, Mm Thomas De Koninck et Luc Langlois s’inquiètent des répercussions néfastes d’une des propositions du rapport qui suggèrent d’accorder la majorité du conseil d’administration à des membres externes, qualifiant cette proposition de « virus de la performance à courte vue ».
Enfin, le rapport propose également de redéfinir les compétences du conseil universitaire, lequel possède la responsabilité exclusive de gérer les questions d’ordre scolaire. À ce sujet, Mm De Koninck et Langlois voient dans ces intentions un danger d’ingérence du conseil d’administration dans les affaires du conseil universitaire, une ingérence qui porterait atteinte à un style de gestion collégial qui a fait ses preuves depuis des décennies à l’Université Laval.
À mon avis, l’industrie du savoir se doit demeurer à l’abri des influences et des visions corporatistes à courte vue. En favorisant une plus grande place au milieu des affaires sur les instances décisionnelles de l’Université au détriment des professeurs et des étudiants, les dirigeants ouvrent la porte à un corporatisme dangereux qui risque de rabaisser ce haut lieu du savoir universel au niveau des courbes aléatoires du marché de l’emploi.
Une brèche malsaine dans le juste équilibre de la promotion de l’ensemble des compétences que l’Université Laval est appelée à développer sur le territoire du Québec de par sa vocation au niveau des études supérieures.
À quelques semaines de la course au rectorat qui débutera le 20 février pour se terminer le 1er mai avec l’élection d’un nouveau recteur, la campagne électorale risque d’être intéressante. Espérons que le futur recteur remettra l’Université Laval sur les rails de sa mission première, à savoir de contribuer « en toute liberté » au plein épanouissement de la diversité des talents qui émergent de notre jeunesse québécoise dans tous les secteurs.
quebechebdo 12 janvier 2012
vigile.net tribune libre 12 janvier 2012
Le Devoir 17 janvier 2012 (version abrégée)
Henri Marineau

