L’utopie du bilinguisme et du biculturalisme canadian

Un article de Frédéric Bastien, auteur de « La bataille de Londres. Secrets, dessous et coulisses du rapatriement constitutionnel », publié dans Le Devoir du 29 juin sous le titre « Un bilinguisme politique », remet les pendules à l’heure concernant ce que je qualifierais de « machiavélisme trudeauiste » dans le dossier du bilinguisme et du biculturalisme canadian. En voici des extraits percutants :

« Comme le constatait dans les années 60 la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, un pays est bilingue non pas parce que ses habitants parlent deux langues, mais plutôt parce que différentes langues sont parlées dans différentes régions du territoire…

Cette conception des choses, qui tenait compte des aspirations et des besoins des Canadiens français, ne plaisait pas au premier ministre Pierre Trudeau. Ce dernier avait fait de son hostilité au nationalisme québécois sa marque de commerce. Sa conception du bilinguisme visait à contrer les revendications du Québec…

Pour Trudeau, la question des langues relevait d’abord d’un choix individuel plutôt que de l’existence de deux nations. Les Canadiens devaient pouvoir vivre dans la langue de leur choix partout où le nombre le justifiait…

Cette vision avait comme avantage de nier tout statut particulier au Québec. Suivant Trudeau, la promotion du français dans la province risquait d’encourager l’indépendance. Il importait donc de mettre en place son modèle de bilinguisme partout au pays et de faire en sorte que toutes les provinces soient égales…

Ce projet a échoué pour des raisons évidentes. D’abord, il n’y a aucune utilité pratique à ce que tout le monde ou presque parle deux langues. L’efficacité et la loi du moindre effort font en sorte qu’il sera toujours plus facile et pratique de fonctionner dans une seule langue…

Devant un tel constat d’échec, comment expliquer que la politique linguistique canadienne ne soit jamais vraiment remise en question depuis sa mise en place ? La réponse tient à son utilité politique. Elle permet de nier le caractère distinct du Québec, ramenant celui-ci au statut d’une province égale aux autres et qui ne saurait avoir plus de pouvoir. Ce succès a été consacré maintes fois, entre autres lors du rapatriement constitutionnel et avec l’échec de l’accord du lac Meech. En cela le bilinguisme a été et continue d’être une très grande réussite. »

Si nous envisageons le point de vue sociologique de la conception trudeauiste du bilinguisme et du biculturalisme canadian, que nous nous attardons sur la conception d’un « parfait mélange » chez l’individu de deux réalités culturelles qui permettrait de conserver l’intégralité de l’une et de l’autre, et que cette identité bilingue est comprise dans une trame sociale et historique plus large, nous aboutissons implacablement à un processus d’assimilation et d’acculturation à la culture majoritaire. En ce sens, le bilinguisme canadian est une utopie…Et cela, Pierre-Elliott Trudeau en était parfaitement conscient!

quebechebdo 1er juillet 2013
vigile.net tribune libre 1er juillet 2013 "Le machiavélisme trudeauiste"

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