Lise Payette, la femme et l’engagée
« Nos dirigeants auraient avantage à écouter les personnes âgées au lieu de les enfermer » Pensée personnelle
Dans son billet intitulé « Mon printemps (mis)érable » paru dans Le Devoir du 3 mai 2013, Lise Payette nous relate avec beaucoup d’émotion le long chemin qu’elle a dû parcourir depuis le 3 octobre 2012, le jour où elle est tombée « bêtement » sur un trottoir de la rue Sherbrooke, une chute qui provoqua une triple facture à la cheville droite.
Parmi les passages vibrants de compassion dont Lise Payette nous fait part, on ne peut passer sous silence les témoignages de sympathie qu’elle nous transmet vis-à-vis les personnes âgées qui n’ont plus aucun contact avec leur famille et qui, de surcroît, souffrent souvent de la maladie d’Alzheimer :
« J’ai été soignée à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal parmi les autres malades, dont un trop grand nombre sont atteints de la maladie d’Alzheimer et dont les yeux vides vous arrachent les larmes chaque fois que vous essayez de les rejoindre au milieu de leurs souvenirs qui sont éteints. J’ai vu travailler des membres du personnel capables de tendresse et de patience, alors que d’autres ont choisi de ne plus voir la souffrance en face et continuent de faire comme si l’être humain qui leur est confié était déjà mort. J’ai surtout vu la différence entre ceux qui ont des visiteurs qui viennent les dorloter et ceux qui n’ont plus aucun contact avec leur famille ou leurs amis ».
Puis, comme il fallait s’y attendre de la part de Lise Payette, la souverainiste dans l’âme et les tripes, sa convalescence n’allait pas se dérouler dans une bulle :
« J’ai fait bien attention d’occuper ma tête en lisant, en restant dans la parade, en suivant les événements qui meublent nos journées, et je sais tout du comportement du gouvernement d’Ottawa ces derniers mois, des révélations ahurissantes de la commission Charbonneau, du travail colossal du gouvernement Marois malgré son évidente difficulté à remettre de l’ordre dans les affaires du Québec, de l’infini cynisme des citoyens face à ceux qui prétendent les diriger, du mouvement « de la rue » qui n’est pas occupée par les étudiants cette année, mais par les travailleurs qu’on étouffe pour les faire taire. Les acteurs changent, mais on joue toujours dans la même pièce… »
Cette pièce de théâtre dans laquelle le carrousel tourne et tourne en rond, actionné par des marionnettes aux allures de romanichels désoeuvrés : « J’ai l’intention de faire tout en mon pouvoir pour venir en aide aux personnes qui traversent une vieillesse sans tendresse et sans espoir. Il ne faut pas seulement de l’argent, il faut de l’amour et infiniment de respect. Je continuerai de vous en parler comme je vous parlerai de cette société qui est la nôtre et qui tourne avec le vent sans jamais remettre ses choix en question ».
Une société « qui tourne avec le vent sans jamais remettre ses choix en question »…un peuple de « bonnes gens », ouverts aux idées nouvelles jusqu’au moment où les colonnes du temple soutenues par ses valeurs traditionnelles sont ébranlées et risquent de s’effondrer. À ce moment-là, les Québécois se replieront dans leurs tranchées et opteront, comme ils l’ont toujours fait, pour la sécurité « sans jamais remettre [leur] choix [initial]en question ».
Je vous laisse sur ce petit poème qui m’est venu un jour que je revenais d’une visite à ma mère dans son dernier logis, une chambrette meublée d’un lit et d’un fauteuil roulant :
La traversée du désert
Il a toujours existé sur cette terre
Des générations généreuses de mère
Pour qui le sentiment d’utilité
Incarnait la fontaine où s’abreuver
Il fut un temps pas lointain où ma mère
Avait érigé tout son univers
Autour du besoin criant de donner
À ses enfants sans jamais demander
Puis emportée dans un destin pervers
A vite basculé tout son univers
Lorsque ses oiseaux ont quitté le nid
Construit au cours de toutes ces décennies
Ce fut alors la descente aux enfers
Son âme s’est réfugiée dans un cancer
Qui l’a aussitôt condamnée aux fers
Et à bout de forces l’a conduite en terre
Telle est la belle et triste histoire d’une mère
Qui a dû traverser seule le long désert
Et pour qui j’ai écrit ces quelques vers
Enfouis dans l’intimité de ma serre
vigile.net tribune libre 5 mai 2013
Henri Marineau

