L’instinct du communicateur

« Je crois qu’il faut « s’embarquer » et je reproche à ceux et à celles qui ne le font pas de ne pas aller au bout de leur passion et, partant, de ne jamais en découvrir la véritable richesse ». Pierre Bourgault, « La Culture. Écrits polémiques » t.2, 1996.

Qu’à cela ne tienne…les temps auront beau changé, la nécessité incontournable d’un leader charismatique, peu importe son sexe, demeure, à mon avis, la pierre angulaire de tout mouvement qui désire occuper la plate-forme médiatique indispensable pour faire avancer la cause qu’il défend.

On aura beau invoquer les exemples de leaders du passé qui, malgré leur charisme, n’ont pas réussi à mener à terme la mission qu’ils s’étaient donnée, il n’en demeure pas moins que, sans leur détermination et leur charisme, leur cause n’aurait pas cheminé aussi loin.

Dans ce contexte, le dixième anniversaire du décès de Pierre Bourgault le 16 juin, que je qualifierais d’un des plus grands communicateurs de la scène politique québécoise du dernier siècle, mérite qu’on s’arrête, l’espace de quelques lignes, sur certains extraits du livre qu’il a publié en 1990 sous le titre « Maintenant ou jamais » aux Éditions internationales Alain Stanké.

Parlant de l’objectif d’indépendance qui est « le même depuis plus 30 ans », « Je me sens un peu ridicule d’avoir à le souligner mais quand je pense à tous les détours que nous avons pris et à toutes les contorsions que nous avons faites pour éviter d’en parler ou pour repousser indéfiniment l’échéance, je me dis qu’il est impérieux de frapper toujours sur le même clou, au risque de paraître radoter. »

Parlant de la conjoncture de 1990, « Chez les souverainistes, on s’entend pour dire qu’il faut faire vite. En effet, si la conjoncture est aussi favorable qu’on le dit, il faut savoir saisir l’occasion. Les choses changent vite en notre monde et rien ne nous dit que la ferveur du temps présent ne tournera pas à l’indifférence ou que les circonstances exceptionnelles qui nourrissent le mouvement se perpétueront longtemps. »

Parlant des sondages qui démontraient à cette époque une progression constante de l’appui à la souveraineté du Québec, « Répercutés tous azimuts par les journaux, la télévision ou la radio, ces chiffres confortent les militants dans leur choix, ébranlent les indécis et augmentent le nombre des convertis. C’est le syndrome de la saucisse : plus on en mange… »

Et je pourrais poursuivre la liste des citations de Pierre Bourgault encore et encore…un communicateur qui, en plus d’utiliser les mots qui frappent, qui dérangent et qui vont parfois jusqu’à ébranler, possédait la rare qualité de ce que l’on appelle dans le jargon théâtral « une bête de scène ».

Enfin, on aura beau clamer sur tous les toits que les indépendantistes ne sont jamais satisfaits de ce qu’ils ont et qu’ils mettent leurs efforts et leur énergie à chercher un chef charismatique au lieu de travailler sur l’indépendance du Québec, je persiste et signe : de Pierre Bourgault à Jacques Parizeau en passant par René Lévesque, le mouvement indépendantiste a accompli un long chemin qui serait demeuré lettre morte sans leur charisme allié à leur conviction viscérale en la cause qu’ils défendaient, à savoir l’accession du Québec à sa pleine autonomie.

vigile.net tribune libre 5 juin 2013

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