Le salut dans la fuite

En lien avec les chiffres les plus récents du ministère de l’Éducation (MEQ), pour l’année 2023-2024, en un an seulement, 1300 enseignants permanents ont remis leur démission dans les écoles publiques québécoises. Depuis cinq ans, le nombre de démissions parmi les enseignants permanents a augmenté de 67%, alors que le nombre total de professeurs a connu une hausse de 6% au cours de la même période. Et comble d’ironie, le MEQ ne tient aucun registre sur les motifs ayant conduit à la démission des dits enseignants. Par ailleurs, à sa défense, le MEQ allègue qu’une démission ne signifie toutefois pas nécessairement qu’un professeur a quitté l’enseignement puisqu’il pourrait avoir remis sa démission pour aller travailler dans un autre centre de services scolaire, une allégation peu probable dans le contexte où les enseignants permanents perdent leur ancienneté et leur permanence s’ils changent d’employeur.

En revanche, nombreux sont les témoignages d’enseignants sur les circonstances catastrophiques qui les ont conduits à quitter leur emploi, notamment cette enseignante passionnée ayant accumulé 17 années d’expérience qui a remis sa démission après avoir été menacée de mort sur les médias sociaux par une élève, un incident qui a été «la goutte qui a fait déborder le vase» pour celle qui était alors au bord de l’épuisement professionnel. De son côté, la Fédération des syndicats de l’enseignement identifie trois catégories d’enseignants susceptibles de quitter la profession : les plus jeunes, qui ne sont pas suffisamment bien accompagnés en début de carrière, ceux qui sont près de la retraite qui décident de devancer leur départ, et enfin plusieurs professeurs en milieu de carrière, épuisés par la tâche et la pénurie de personnel de soutien pour les élèves en difficulté dont le nombre ne cesse de s’accroître depuis l’émergence souvent anti-productive des médias sociaux.

L’éducation est la pierre angulaire sur laquelle est assise le sain épanouissement de toute société. Or force est de constater que notre système d’éducation a perdu ses lettres de noblesse chèrement acquises au début des années ‘60 lors de la parution du rapport Parent qui prônait en tête de ses priorités l’accession à l’éducation de tous les jeunes du Québec. De carrière choyée par bon nombre de finissants en Sciences de l’éducation à l’époque, la carrière d’enseignant en est arrivée aujourd’hui à incarner un défi quasi surhumain.

En conséquence, l’État doit desserrer les cordons de la bourse pour investir massivement en éducation à défaut de quoi le personnel enseignant qui a choisi d’emprunter la voie périlleuse de l’enseignement contre vents et marées rejoindra inéluctablement le chemin du salut dans la fuite et cela, malheureusement trop souvent malgré eux.

vigile,quebec tribune libre 29 octobre 2025

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