La dérangeante
Dans son article paru dans Le Devoir du 24 septembre sous le titre « Une commission ? », Denise Bombardier nous expose son point de vue sur la pertinence de créer une commission d’enquête publique sur la collusion et la corruption dans l’octroi des contrats au ministère des Transports.
D’entrée de jeu, je vous avoue que j’ai toujours eu une propension naturelle pour les gens qui affirment leurs convictions, pour autant, d’une part, que leur argumentaire soit solide et d’autre part, qu’ils apportent des éléments de solutions aux problèmes soulevés. Et, je dois l’admettre, Denise Bombardier fait partie de ceux-là.
Partant des exemples des commissions d’enquête Gomery et du scandale des commandites, Mme Bombardier lance cette question :
« Sommes-nous vraiment prêts à subir durant des mois, sans doute des années, le spectacle navrant et inévitablement télévisé de témoins multiples, escrocs ou honnêtes, sincères ou fourbes, qui vont nous raconter des histoires convergentes, divergentes, inventées, améliorées, atténuées devant des commissaires nommés par le gouvernement aux côtés d’avocats payés grassement pour protéger leurs clients en espérant connaître eux-mêmes leur heure de gloire ? »
Et, pour ajouter un peu de piquant à la sauce, elle ajoute :
« Interrogez des juges qui siègent depuis des décennies. Ils vous diront que ceux qui défilent devant eux en jurant sur la Bible ou sur leur honneur ont désormais tendance à se jouer de la vérité. Fini le temps où jurer, c’était sacré. Alors, qu’en sera-t-il de ces centaines de témoins, d’acteurs, de spécialistes liés au monde de la construction, des contrats gouvernementaux, du financement politique qui, la main sur le livre saint ou sur leur honneur tordu et chiffré, nous offriront leur version personnelle selon une morale indissociable trop souvent de leurs intérêts personnels ? »
Sa solution réside dans des enquêtes policières. En effet, poursuit-elle, « …le Québec compte d’excellents limiers, des enquêteurs au-dessus de tout soupçon, des policiers à la retraite, à l’expérience inestimable, des Eliott Ness sans peur, sans reproche et sans autre intérêt que le bien public. Des juges aussi, qui sont au-dessus des flatteries et de la notoriété qui, en les transformant en rock stars, affaiblissent leurs jugements. »
Bien que sensible aux arguments de Denise Bombardier, j’apporterai deux commentaires. Le premier concerne les deux commissions d’enquête qu’elle mentionne. Quoique les retombées de la commission Gomery soient pour l’instant fort discrètes, plusieurs recommandations du rapport Gomery feront partie des nouvelles règles concernant la nomination des juges. En ce qui a trait au scandale des commandites, il m’apparaît évident que les révélations qui y ont été faites ont conduit à la dégringolade du parti libéral fédéral.
Mon second commentaire, beaucoup plus important, concerne la pertinence de mettre sur pied une commission d’enquête publique sur la construction. Sur ce plan, quoiqu’en partie d’accord avec Denise Bombardier sur le fait que nous devons mettre à profit les talents de nos « excellents limiers et d’enquêteurs au-dessus de tout soupçon », il m’apparaît essentiel de créer cette commission d’enquête publique, appuyée par les enquêtes policières, tout au moins par respect pour la population qui est en droit de connaître la vérité !
vigile.net tribune libre 26 septembre 2011
Henri Marineau

