La capitale nationale dépouillée d’un pan important de son histoire
En tant qu’ex-professeur de français, je me suis toujours efforcé d’exiger de mes élèves qu’ils évitent ce que j’appelais les verbes « fourre-tout », tels « aller », « faire », « mettre », etc, et de viser à utiliser plutôt le verbe qui décrit le mieux leur intention.
À cet effet, on pouvait lire dans un journal du 23 avril le titre suivant : « Le PQ exhorte Ottawa à laisser à Québec sa collection d’artefacts. » Quoique je connaisse le sens du verbe « exhorter », j’ai quand voulu m’en assurer en cherchant sa définition dans un dictionnaire : « s’efforcer par le discours de porter quelqu’un à faire quelque chose.
C’est alors que je me suis rappelé les conseils à mes élèves en constatant que l’auteur de cet article, en choisissant le verbe « exhorter », avait utilisé le verbe qui décrit le mieux la réalité, à savoir que le Québec, englouti dans son statut de province, ne peut qu’exhorter le fédéral, à savoir « s’efforcer » par ses arguments de l’inciter à laisser les artefacts patrimoniaux dans la Capitale nationale. À titre d’illustration, voici un extrait de cet article :
« C’est au tour d’Agnès Maltais et de Maka Kotto de tenter d’éviter le déménagement à Gatineau de millions d’artefacts appartenant aux collections patrimoniales de Parcs Canada et entreposés à Québec. Les deux ministres québécois feront parvenir dans les prochains jours une lettre au lieutenant politique de Stephan Harper au Québec, Christian Paradis, dans laquelle ils « l’exhortent » à revenir sur la décision des conservateurs de dépouiller la capitale nationale d’un pan important de son histoire. »
En termes clairs, c’est au fédéral, de par sa juridiction, de décider de l’exportation d’un pan important de l’histoire de la Capitale nationale sans que le gouvernement du Québec ne puisse rien faire d’autre que d’exhorter un gouvernement qui bafoue depuis des années le fait francophone du haut de sa tour d’ivoire anglophone…Frustrant, non ?
Il est vrai que, par « déformation professionnelle, je suis très sensible à la signification des mots et que je ne représente pas le pattern normal du lecteur de journaux, et mon intention n’est pas de vous convertir aux vertus du verbe précis. Toutefois, j’espère que cette petite incursion dans l’univers de la sémantique vous aura permis de constater à quel point le fédéralisme, même s’il n’empiète pas dans le cas présent sur une juridiction provinciale, place le Québec dans une situation telle qu’il doit s’ingénier à faire preuve d’arguments qui puissent convaincre un gouvernement fantasque et narquois envers les francophones de consentir à laisser chez lui son propre patrimoine historique.
« Pourtant, nous qui sommes un peuple aux assises fragiles, nous avons besoin plus que d’autres de références stimulantes à une histoire qui nous serait propre et de posséder des « lieux de mémoire » pour nous approprier la genèse et l’évolution de notre identité et tirer profit de l’expérience acquise à chaque tournant majeur de notre histoire. » Léon Dion
vigile.net 24 avril 2013
quebechebdo 24 avril 2013 (version abrégée)
Henri Marineau

