Je me souviens…j’avais 13 ans
« L'échec de notre système d'enseignement est le reflet d'un échec, ou en tout cas, d'une paralysie de la pensée elle-même. Personne n'ose penser, au Canada français. Du moins, personne n'ose penser tout haut. L'absence de tout dialogue sérieux, dans la province, nous stigmatise de la plus inexpiable façon ».
« Les insolences du Frère Untel », Montréal, Les Éditions de l'homme, 1960, p. 55.
J’avais 13 ans quand sont parues « Les insolences du Frère Untel » et j’abordais mes études classiques. Je me souviens de l’engouement suscité par la parution de ce livre et, sans trop savoir ce qu’il contenait, je l’ai emprunté à la bibliothèque du collège…Je l’ai dévoré en deux heures!…
Jean-Paul Desbiens est né le 7 mars 1927 à Métabetchouan, dans la région du Lac Saint-Jean. En 1944, il devient frère mariste sous le nom de frère Pierre-Jérôme. Ensuite, il étudie la philosophie à l'Université Laval, où il obtient son diplôme de baccalauréat en 1958.
En 1960, Jean-Paul Desbiens publie son célèbre livre « Les insolences du Frère Untel » sous le pseudonyme de «Frère Untel». Ce pamphlet, considéré comme un des éléments déclencheurs de la Révolution tranquille, tire son origine d'une lettre d'un enseignant de Chicoutimi, le frère Pierre-Jérôme, Jean-Paul Desbiens de son nom de naissance, à André Laurendeau, directeur du journal Le Devoir, en réaction à un billet sur la qualité du français que celui-ci a fait paraître.
C'est le début d'un échange épistolaire nourri entre les deux hommes qui se conclut avec la publication du livre de Desbiens. Le frère mariste y dénonce le joual, cette « langue désossée », en plus d’y mener une charge à fond contre le Département de l'Instruction publique, ce système « d'injustices sociales » qui privilégie le collège classique, véritable « réserve nationale des vocations sacerdotales ».
Rédigé d’une plume parfois irrévérencieuse et toujours incisive, l’ouvrage dénonce l’indigence culturelle et linguistique et l’attribue en partie aux déficiences d’un système éducatif religieux désuet et répressif.
« Les insolences du Frère Untel » se vendent à plus de 130 000 exemplaires, dont 17 000 au cours des dix premiers jours de vente. Malgré ce succès auprès du public, le livre reçoit cependant un accueil moins favorable chez les membres du clergé qui tentent, en vain, d'empêcher sa parution. À l'évidence, le petit livre à « une piastre » du Frère Untel a l'effet d'une bombe dans le Québec de l'après-Duplessis…
J’ai maintenant 66 ans et j’ai parfois l’impression que le temps s’est arrêté depuis 1960 quand je constate qu’encore aujourd’hui, 53 ans après la « bombe » lancée par le Frère Untel, le Québec en est encore à se battre pour assurer la survie de sa langue…et que la « bombe » n’aura duré que le temps d’un feu d’artifice!
quebechebdo 11 juillet 2013
Henri Marineau

