Battre le fer pendant qu’il est chaud
La rencontre tant attendue entre Mark Carney et Donald Trump dans le mythique Bureau ovale abondamment enjolivé de dorures pour l’occasion s’est déroulée somme toute dans un climat détendu, voire amical, à plusieurs reprises au cours de l’entretien, le président américain encensant le premier ministre canadien « Je peux vous dire ceci, parce que je traite avec de nombreux dirigeants dans le monde entier : c'est un leader de classe mondiale. C'est un homme qui sait ce qu'il veut et je ne suis pas surpris qu'il ait gagné les élections et qu'il les ait gagnées de manière substantielle », a lancé Donald Trump en tout début de point de presse. De toute évidence, le président s’était levé du bon pied en ce matin du 7 octobre, multipliant les plaisanteries avec un Mark Carney tout sourire.
En revanche, la belle ambiance n’a pas empêché M. Trump de maintenir que les deux pays, bien qu’amis, sont en réalité deux boxeurs dans un ring qui se livrent une concurrence féroce. « Nous voulons que le Canada se porte bien, mais vous savez, arrive un moment où nous voulons aussi les mêmes business. Nous sommes en concurrence pour les mêmes business. Il est là le problème », argue le président. Or en situation de « conflit commercial normal », il est très peu plausible qu’un règlement gagnant-gagnant mette fin au conflit.
Dans cette foulée, aux dires de Richard Ouellet, professeur de droit international économique à la Faculté de Droit de l’Université Laval, « Donald Trump a employé un vocabulaire qui, je pense, pour l'avenir, peut nous inquiéter un petit peu. Il a dit que le Canada et les États-Unis avaient un amour mutuel, mais un conflit naturel, et qu'on était en compétition. Ça, c'est un discours qui n'est pas très pro libre-échange. Bien qu'aujourd'hui le ton était convivial, je trouve que ce n’est pas annonciateur de bonnes nouvelles pour l'an prochain, quand on va renégocier l'accord ».
À mon sens, le plus grand défi auquel doit faire face Mark Carney réside dans l’imprévisibilité systémique du président. De ce fait, dans l’hypothèse où cette rencontre s’est déroulée dans un contexte respectueux des deux chefs d’État, je suis d’avis que le premier ministre profite de ce climat d’ouverture du président Trump pour garder un contact régulier avec lui et intensifier les accords sectoriels, quitte à reporter les discussions sur l'Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) en 2026 tel que prévu. Somme toute, Mark Carney aurait avantage à battre le fer pendant qu’il est chaud…selon toute apparence!
vigile.quebec tribune libre 9 octobre 2025
Henri Marineau

