Les hommes forts au Québec: un phénomène culturel
Selon Paul Ohl, l'auteur de la biographie sur Louis Cyr, qui a fait des recherches sur les hommes forts pendant une vingtaine d'années, le fait que le Québec ait développé davantage d'hommes forts au prorata de sa population que bien d'autres pays serait relié à un phénomène culturel.
«Lorsqu'on regarde la provenance de ces hommes au Québec, à l'époque, on se rend compte qu'ils viennent presque tous du milieu rural, qui est totalement axé sur le travail physique. Ils lèvent des troncs d'arbre. Ils se déplacent sur de grandes distances avec des charges à l'épaule. Ils soulèvent des pierres impossibles à lever par leur entourage…Il y avait deux types d'hommes forts, soit le colon bûcheron et le forgeron du village. Ce n'est pas pour rien que le premier modèle de Louis Cyr, c'est le grand Joseph Trudeau, le forgeron de Saint-Cyprien de Napierville», affirme Paul Ohl.
En outre, Paul Ohl croit que l'importance accordée à la force physique est un facteur dominant. «Dans ce temps, la démonstration de force est devenue une vertu cardinale. C'est ce qui élevait un homme au-dessus des autres. Dans les chantiers forestiers au XIXe siècle et au début du XXe siècle, 90 % des jeux entre les hommes étaient des tours de force comme le tir au poignet, celui qui levait la bûche la plus lourde. Et 90 % des conversations portaient sur les exploits de force des uns et des autres. »
Ils s'appelaient Jean, Paul, Adrien, Lionel, Charles et Antonio Baillargeon. «Ce sont les noms les plus célèbres, les plus glorieux de la région de Québec. C'est un phénomène génétique collectif. C'était la famille la plus forte au monde», explique Paul Ohl.
«Chacun des frères avait une spécialité. L’un déchirait l'annuaire téléphonique de New York. Un autre tirait un autobus avec ses dents et une grippe spéciale à sa mâchoire sur une distance de 10 pieds. Un troisième pliait des barres d'acier sur sa nuque, l’autre ouvrait un fer à cheval avec ses mains», raconte le biographe de Louis Cyr.
Paul Baillargeon, qui a été propriétaire d'un hôtel dans la rue Saint-Vallier à Québec et qui est le plus connu, « soulevait d'une main une barre olympique de 312 livres. Il agrippait un cheval pesant entre 900 et 1400 livres avec un harnais spécial tout en escaladant six barreaux dans une échelle», conclut Paul Ohl.
Enfin, les femmes ne sont pas en reste puisque, vers la fin du XIXe siècle, Marie-Louise Sirois, née à Sainte-Anne-de-la-Pocatière, était considérée comme la femme la plus forte du monde. Elle pouvait soulever un baril de 243 livres. On prétend même qu'elle pouvait retenir deux chevaux en place à la manière de Louis Cyr.
quebechebdo 14 juillet 2013
vigile.net tribune libre 14 juillet 2013
Henri Marineau

