L’étau constitutionnel
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la saga que vit actuellement le Sénat canadien soulève beaucoup d’émotion. À cet effet, il fallait voir Stephen Harper hier se débattre « comme un diable dans l’eau bénite », bombardé de questions aux Communes de la part de l’Opposition.
En soirée, à l’émission 24 heures en 60 minutes, animée par Anne-Marie Dussault, les invités Benoît Pelletier et Frédéric Bastien, l’auteur de « La bataille de Londres », ont réaffirmé que l’abolition du Sénat ne pouvait se réaliser sans l’accord unanime des provinces sur une réouverture de la Constitution.
À ce stade-ci, un petit rappel historique sur le rapatriement de la Constitution s’avère intéressant dans la mesure où le Québec, exclu de cette Constitution, se retrouve par conséquent isolé de cette « éventuelle réouverture ».
La Loi de 1982 sur le Canada fut la dernière requête du gouvernement canadien pour modifier la constitution du pays. Après des négociations peu prometteuses avec les gouvernements provinciaux, Pierre-Elliot Trudeau commença à espérer que le Parlement fédéral pourrait rapatrier la constitution de façon unilatérale. Toutefois, la Cour suprême du Canada jugea, dans le « Renvoi sur le rapatriement », qu’un « niveau substantiel de consentement » de la part des provinces était nécessaire selon les conventions constitutionnelles. À grands coups de manœuvres de « corridors à la Trudeau », le premier ministre canadian réussit à convaincre neuf provinces sur dix en ajoutant la clause dérogatoire pour limiter la mise en œuvre de la Charte canadienne des droits et libertés, l’objectif ultime et inavoué de Trudeau dans toute cette saga.
Le Québec fut la seule province à ne pas adhérer à cette entente. À cet effet, il convient de se rappeler que l’Assemblée nationale adopta, le 1er décembre 1981, une résolution selon laquelle la province ne signerait la Loi constitutionnelle de 1982 qu’à certaines conditions, à savoir le droit de veto, l’abrogation des dispositions de la Charte touchant la liberté de circulation et d’établissement, la limitation du pouvoir fédéral de dépenser, la clause de la « société distincte » et l’intervention dans la nomination des juges à la Cour suprême du Canada…ce qui fut rejeté à Ottawa.
Toutefois, malgré l’absence du Québec dans l’entente adoptée par Trudeau et les neuf autres provinces, il n’y eut aucune objection de la part du gouvernement britannique quant à l’adoption de la Loi. C’est ainsi que, dans la section 2 de la Loi, le Royaume-Uni met fin à sa participation dans de futures modifications de la constitution canadienne.
La Loi de 1982 sur le Canada reçut la sanction royale d’Élisabeth II, Reine du Canada, un 17 avril pluvieux sur la colline du Parlement à Ottawa. Toutefois, la Reine Élisabeth demeure reine et chef d’État du Canada, ses pouvoirs constitutionnels sur le Canada n’ayant pas été modifiés par la Loi. Le Canada, quant à lui, devient pleinement souverain sur son territoire.
À la lumière de ce scénario bassement flagorneur typiquement trudeauiste ayant conduit à la signature de cette parodie constitutionnelle, j’ai l’impression que nous sommes appelés à vivre sous l’emprise de l’étau constitutionnel encore pour bien des années avant que les mors de l’étau ne se desserrent !
vigile.net tribune libre 29 mai 2013
Henri Marineau

